Αναδημοσιεύουμε άρθρο της L'Humanité (link: http://www.humanite.fr/colere-entre-drachme-et-euro-la-grece-balance-637966), Κυριακή 25 Ιουνίου 2017, με τίτλο: "Οργή. Ανάμεσα σε δραχμή και ευρώ, η Ελλάδα αιωρείται", το οποίο αναφέρεται θετικά στα συνθήματα του ΑΚΕΠ "ΜΕ ΔΡΑΧΜΗ ΑΜΕΣΩΣ ΚΑΛΥΤΕΡΑ", "ΜΕ ΕΥΡΩ ΣΥΝΕΧΩΣ ΧΕΙΡΟΤΕΡΑ" κλπ.κλπ.
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Colère. Entre drachme et euro, la Grèce balance
PAVLOS KAPANTAIS Dimanche, 25 Juin, 2017 Humanité Dimanche
Le 15 juin, à Bruxelles, lors de
l'Eurogroupe, comme de coutume depuis huit ans, les créanciers ont exigé du
gouvernement grec de nouvelles concessions. Face au spectre omniprésent d'une
éventuelle faillite et d'un Grexit chaotique que lui imposerait l'UE, le
gouvernement grec recule, espérant en échange un aménagement tangible d'une
dette toujours aussi insoutenable. Mais rien ne vient ! Pris dans ce chantage
perpétuel, le peuple grec oscille entre refus et raison. Progressivement,
l'épouvantail du Grexit prend le masque de la délivrance, voire de l'espoir...
« Avec la drachme, tout ira mieux,
tout de suite. » Pendant toute l'année 2016, Athènes s'est remplie de petites
affiches portant ce slogan. Un message d'une simplicité absolue, promettant des
lendemains meil leurs. Artisanales, faites au pinceau, ces affiches semblent
tout droit sorties d'un autre siècle, et attirent d'autant plus l'attention.
Petit à petit, cette affiche omnipré sente dans la capitale est devenue un
sujet de conversation dans les cafés comme partout ailleurs. Les uns en parlent
en s'esclaffant de vant la simplicité du message, perçue comme d'une naïveté
absolue. D'autres, partisans indéfectibles de la zone euro, en rigolent moins
car ils le savent : ce sont les grandes promesses et les messages simples qui
touchent les gens.
À l'Akep (1), on est convaincu
d'avoir visé juste avec cette campagne d'affichage. Comme le dit Makis
Papapetrou, membre du leadership collectif de l'Akep, « petit à petit, on
touche les gens et on change la discussion. Le moment viendra où le peuple sera
prêt ». Si on n'en est pas encore là, c'est vrai qu'il y a des frémissements
dans l'opinion publique.
PARADOXE
Entre décembre 2016 et février 2017,
pendant que les créan ciers multipliaient une nouvelle fois leurs exigences
auprès du gouvernement grec, allant même jus qu'à demander une nouvelle baisse
des retraites la quinzième depuis 2010 , toute une série d'en quêtes
d'opinion révélèrent une population plus eurosceptique que jamais. On apprit
d'abord que, non seulement 84 % des Grecs considéraient que l'Union euro péenne
va dans la mauvaise direc tion, mais aussi que, pour la pre mière fois depuis
l'adhésion du pays en 1981, une majorité de Grecs estimaient l'appartenance
même à l'Union européenne (et non à la zone euro) comme nocive pour le pays
(sondage Palmos Analysis, décembre 2016).
Début janvier, 58 % des Grecs décla
raient que l'entrée même dans la zone euro fut une erreur (sondage Alco). Fin
février, et pour la pre mière fois là aussi, un sondage montrait que 55 % des
Grecs préféreraient une rupture des négociations avec les créanciers et un
retour à la drachme, plutôt que de nouvelles mesures d'austérité. La société
grecque crie son raslebol à pleins poumons. Pourtant, dans les semaines qui
suivent, le gouvernement accepte de nouvelles baisses de retraite... mais pas
moins de sept sondages donnent alors la volonté de rester dans la zone euro
largement majoritaire dans la population. Paradoxe est un mot grec !
Assis dans son bureau tout près de
la place Syntagma, Ilias Nicolacopoulos sourit dès qu'on lui parle de la
relation entre le peuple grec et la monnaie commune européenne.
Après plus de trente années passées
à la tête d'instituts de sondage et à enseigner la sociologie électorale, plus
rien ne le surprend. Pour lui, pour comprendre le présent, il faut voir la
question de l'appartenance à la zone euro dès sa conception : « Quand la Grèce
est entrée dans la zone euro, au début des années 2000, cette option était
nettement majoritaire dans l'opinion, même s'il faut préciser qu'on vivait, en
tant que pays, dans une bulle financière. Dès que la crise a éclaté, par
contre, la seule certitude statistique que l'on a, c'est que l'entrée même dans
la zone euro est perçue majoritairement comme une erreur. Mais ce n'est pas
pour autant qu'une majorité de Grecs veulent en sortir. Tout dépend du contexte
du sondage et de la manière dont vous posez la question. »
UN
CALVAIRE SANS FIN
Même s'il est difficile d'évaluer le
pourcentage exact de ceux qui voudraient d'un Grexit, ils sont là et bien là !
Parmi les convaincus de la nécessité pour la Grèce du retour à la monnaie
nationale, il y a Achilles Peklaris.
Pour cet activiste grec de 42 ans
qui passé la plus grande partie de son temps à aider de manière bénévole dans
les divers camps de réfugiés en Grèce, l'appartenance même du pays à la zone
euro est un malentendu. Assis dans un café, dans une rue piétonne d'Exarcheia,
le quartier « anar » de la capital hellénique, il parle avec l'assurance de
ceux qui sont convaincus d'avoir raison. Son discours est un brin provocateur,
mais il apporte un point de vue qu'on n'entend pas souvent : « Prenez le temps
de regarder une carte. Où se trouve la Grèce ? À l'extrême limite du continent
européen. Elle est plus proche de l'Asie et de l'Afrique que de l'Europe du
Nord. C'est une réalité qui ne se limite pas à la géographie, c'est aussi une
réalité politique et culturelle. Appartenir à la zone euro est profondément
erroné. Tant qu'on essayera de devenir quelque chose qu'on n'est pas, on sera
perdu.
Que se passe-t-il aujourd'hui ? On
essaye de résoudre les problèmes budgétaires du pays par une surtaxation
monstrueuse. Et quel est le résultat ? Que tous ceux qui peuvent frauder
fraudent, et même plus qu'avant. Et là, ce n'est plus pour bien vivre, c'est
pour survivre. On ne s'en sortira pas comme ça. Donc, après tout ce qui est
arrivé depuis 2010, la société est en fait devenue encore moins européenne
qu'avant. Combien d'années faudra-t-il encore pour que tout le monde comprenne
que ce pays et son peuple ne deviendront jamais ce qu'ils ne sont pas ? »
Pour lui comme pour d'autres, les
difficultés à surmonter si le pays sortait de l'euro, ne peuvent pas être
comparées au calvaire sans fin que vit la société aujourd'hui. Et comme
beaucoup d'autres, il se pose la question qui obsède une grande partie du
peuple grec : « Que se serait-il passé si, après le référendum de 2015, Alexis
Tsipras avait choisi la rupture ? Il y aurait eu des moments très difficiles,
certes, mais finalement la situation ne serait-elle pas meilleure aujourd'hui ?
Malheureusement, on ne le saura jamais... »
SEPT
ANNÉES DE SACRIFICES
C'est ce chemin jamais emprunté qui
fait rêver, ou au moins fantasmer, ce pourcentage indéfinissable, compris
quelque part entre 25 et 55 % selon les sondages, de Grecs qui veulent
aujourd'hui claquer la porte de la zone euro. Pour Kostas Zahariades, président
du groupe parlementaire de Syriza, cette fluctuation des chif fres n'est pas
vraiment due à la question posée, mais plutôt au tempérament du peuple grec,
coincé entre deux vérités concurrentes : « La vérité est assez simple. En sept
ans, le peuple grec a perdu 40 % de son pouvoir d'achat et a subi un grand
recul des services sociaux de l'État.
En tant que gouvernement, nous
considérons qu'un retour à la drachme signifierait immédiatement une
aggravation supplémentaire de tout cela... Évidemment, cela ne signifie pas que
nous avons une foi absolue, ou que nous sommes dans une acceptation
métaphysique de l'Union européenne et de la zone euro telles qu'elles sont. Il
en est de même pour la société. Coincée entre la réalité et sa colère après
sept années de sacrifices, elle cherche une voie de sortie et une manière
d'exprimer cette colère. Chaque fois que les créanciers ont de nouvelles
exigences, chaque fois qu'on impose plus d'austérité, le pourcentage de gens
qui veulent qu'on claque la porte de la zone euro, et même de l'UE, augmente.
Mais, pour la plupart d'entre eux, si vous discutez avec eux, vous voyez que,
au-delà de leur colère, ils se rendent bien compte que le chemin hors de la
zone euro est plus difficile et plus dangereux encore que le chemin que le pays
est en train de parcourir. »
UN
VRAI ROMAN
En théorie, claquer la porte, comme
le pays en fut proche en juillet 2015, c'est beau. La Grèce et son
gouvernement, soutenu par la rue, décident d'arrêter de se soumettre aux
exigences incessantes de leurs créanciers. Le pays retrouve sa souveraineté
monétaire, redécouvre son indépendance et sa fierté bafouée depuis 2010. Le
peuple grec fait bloc, augmente, malgré les difficultés, sa production et,
grâce à sa nouvelle monnaie, les exportations explosent. Après presque dix ann
ées de disette, et malgré quelques mois difficiles, le pays retourne à une
croissance forte et soutenue, et devient un symbole mondial pour son audace et
sa réussite. La crise est bel et bien terminée et les Grecs coulent des jours
paisibles. Un vrai roman.
LE
SEUL CHOIX DIGNE
« Tout cela est une mauvaise blague,
un scénario pour rêver les yeux ouverts, véhiculé par des amateurs qui ne
comprennent ni le monde, ni l'Europe, ni le capitalisme mondial. » À 51 ans,
Simos Koubanis ne cache pas son agacement : « Oui, je m'énerve, car les gens
veulent rêver et s'en sortir comme par magie. Ça ne marche pas comme ça ! »
Médecin, activiste, militant
antiaustérité de la première heure et accessoirement homme politique, cet
ex-député des Grecs indépendants (droite souverainiste, alliée de Syriza) ne
mâche pas ses mots : « Ceux qui prônent le retour à la drachme le font sans
jamais réfléchir aux conséquences. C'est, malheureusement, plus un slogan qu'un
vrai choix politique. » À l'entendre, c'est un enfer qui attend le pays si
jamais il décide unilatéralement de faire défaut sur la dette et de sortir de
la zone euro : « Pour réellement en sortir, il faudrait nationaliser les
banques, s'isoler de fait du reste du monde, vivre quasiment sans importations
et faire face à la vindicte des créanciers qui auraient perdu quelques centaines
de milliards. On voit ici comment ils agissent tandis qu'ils sont nos alliés,
imaginez un instant ce que cela serait s'ils choisissaient de mener contre nous
une politique officiellement punitive ! » Il se renfrogne avant d'ajouter : «
Pourtant, la sortie, c'est le seul choix digne, le seul choix qui s'impose. On
doit manger notre pain noir maintenant.
Là, on signe des accords qui
hypothèquent la vie de nos enfants et de nos petits-enfants. On n'a pas le
droit de faire ça ! »
Depuis quelques semaines, une
nouvelle affiche de l'Akep remplit les rues de la capitale grecque. Celle-ci ne
fait plus rire personne : « Avec l'euro, tout va de pire en pire ». Ce
message-là résonne avec le quotidien de l'immense majorité du peuple grec
depuis huit ans. Comme par magie, l'affiche précédente sonne soudainement moins
faux...
(1) mouvement autonome de politique
révolutionnaire, mouvance historique de la gauche grecque fondée dans les
années 1980 et n'ayant jamais eu de député élu ; allié depuis 2015 à unité
populaire, parti né de la scission de Syriza.
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